Fabien Lévy - Conférence 2 décembre 2019 [2 décembre 2019]

 Description

La conférence

Qu’est-ce qu’une musique complexe ? Y admire-t-on la richesse de techniques ingénieusement agencées ? Le foisonnement perceptif de l’œuvre ? S’étonne-t-on de l’accumulation de procédures intellectuellement stimulantes ? De la difficulté d’exécution ? Ou avouons-nous une audition laborieuse, inintelligible ?

Derrière le terme de complexité musicale se cachent de nombreuses définitions, parfois contradictoires, que l’on pourrait peut-être regrouper en deux catégories : les complexités grammatologiques, qui désignent la complexité de la pensée d’une écriture (par exemple, les complexités algorithmiques que l’on peut calculer grâce à des outils de théories des graphes) et les complexités aperceptives, qui concernent les difficultés psychologiques ou culturelles de perception. Ces deux types de complexités sont distinctes : deux procédures de même complexité grammatologique peuvent produire deux résultats sonores de complexités aperceptives dissemblables ; inversement, deux procédures analytiquement éloignées peuvent engendrer des résultats perceptifs proches et de même complexité aperceptive. Ces relations dialectiques entre complexités ont des conséquences esthétiques et épistémologiques importantes, puisqu’elles interrogent la position de la pensée analytique dans l’acte créatif.

La perception n’est cependant pas une simple réception mais une écriture mentale culturelle. Étudier la complexité aperceptive requiert alors, pour reprendre des termes de théories de l’information et de la complexité, d’étudier la complexité analytique de « l’algorithme virtuellement réengendré » par l’auditeur et, plus généralement, la perception analytique d’un auditeur plongé dans certains biais culturels. Inversement, l’écriture musicale et les métalangages logico-textuels qui structurent toute pensée analytique induisent une certaine façon d’apercevoir et de représenter le musical. Étudier la complexité grammatologique musicale nécessite en conséquence d’étudier la perception analytique de la musique, c’est-à-dire de déconstruire, au sens philosophique et épistémologique, les principes analytiques qui sous-tendent toute épistémè musicale.

Enfin, la perception et la création du musical ne sont pas des actes autonomes, mais baignent dans des sociologies qui agissent sur l’écoute ou sur les décisions créatives. La complexité peut alors être hétéronome.

Compliquée ? Subtile ? Dense ? Inintelligible ? Virtuose ? Différenciée ? Élitiste ? Cette conférence donnera quelques pistes, à partir de références d’abord scientifiques (théorie des graphes, Kolmogorov-Chaitin, Hellegouarch), puis philosophiques et épistémologiques (principalement des concepts derridiens de déconstruction), et enfin esthétique, en tant que compositeur.

Biographie

Fabien Lévy est né en décembre 1968 à Paris. Outre la pratique du piano (classique et jazz) et de l’orgue, il a étudié l’analyse, l’orchestration, l’histoire de la musique, l’harmonie et la composition électroacoustique et instrumentale. Également diplômé de l’ENSAE et d’un DEA scientifique (ENS Ulm), il a occupé en parallèle à son activité de compositeur différents postes de recherche avant de se consacrer exclusivement à la musique à partir de 1994. De 1995 à 2001, il étudie au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, entre autres avec Gérard Grisey en composition, Michaël Levinas en analyse musicale, Gilles Léotaud en ethnomusicologie, et Marc-André Dalbavie en orchestration.

Parallèlement à ses activités de compositeur, il est titulaire d’une thèse de doctorat en musicologie de l’EHESS sur le décalage entre complexité analytique et complexité perceptive en musique, et est l’auteur de plusieurs articles théoriques et d’un livre. Fabien Lévy a travaillé à l’IRCAM, d’abord comme directeur artistique du projet Studio Online en 1998, puis, de 1999 à 2001, comme conseiller pédagogique. Il a également été chargé de cours à l’UFR de musicologie de l’Université Paris IV-Sorbonne. Il a enseigné de 2004 à 2006 l’orchestration à la Hochschule für Musik Hanns-Eisler de Berlin (Allemagne) et fut de 2006 à 2012 professeur de composition à la Columbia University de New-York. Il a ensuite été nommé professeur de composition à la Hochschule für Musik Detmold (2012 à 2017) et enseigne depuis octobre 2017 la composition à la Hochschule für Musik und Theater « Felix Mendelssohn-Bartholdy » de Leipzig.

Comme compositeur, il a été lauréat de la Fondation Singer-Polignac (1995) et du DAAD (2001) dans le cadre du Berliner Künstlerprogramm (résidence d’un an à Berlin). Sa pièce Hérédo-Ribotes a été nominée au concours international Rostrum de l’Unesco (2002). Il a été pensionnaire-compositeur à l’académie de France (Villa Medicis) à Rome (2002-2003), et a reçu en 2004 le Förderpreis (prix du jeune compositeur) de la fondation Ernst von Siemens.

Ses œuvres, pour soliste, musique de chambre, orchestre ou électronique sont actuellement centrées sur un travail entre le tout et la partie, sur des paradoxes de la perception musicale et sur des techniques de « cross-rhythm » généralisées à tous les paramètres. Les œuvres ont été jouées en France, en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie, notamment par des ensembles et des solistes internationaux tels que le London Sinfonietta, l’Ensemble Modern, l’Itinéraire, 2E2M, les neue Vocalsolisten Stuttgart, l’ensemble Recherche, l’Orchestre symphonique de la radio de Berlin, le Tokyo Symphony Orchestra ou l’Orchestre National de France. Ses œuvres instrumentales sont éditées en exclusivité chez Billaudot (jusqu’en 2008), Ricordi Allemagne (2008-2018) et Editions Peters (depuis 2018).

Mots clés : musicologie musique systemes complexes

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