Margot Buvat (Université Bordeaux-Montaigne) Hantologie du De Quincey de Musset dans La Logeuse de Dostoïevski [20 octobre 2021]

 Description

Colloque "Spectres de Dostoïevski", Université de Strasbourg, 20-22 octobre 2021, organisé par Nicolas Aude, Victoire Feuillebois et Karen Haddad

Résumé de l'intervention :

La communication se propose de lire les Confessions d’un mangeur d’opium anglais [Confessions of an English Opium-Eater] (1821) de Thomas de Quincey comme l’un des spectres en amont de l’œuvre de Fiodor Dostoïevski. La lecture de cette œuvre, qu’il découvre certainement en français via la traduction et l’adaptation d’Alfred de Musset (sous le pseudonyme d’A.D.M. en 1828) laisse au jeune auteur russe une forte impression. Jacques Catteau le remarque, qui place en effet De Quincey aux côtés d’Hoffmann parmi les auteurs qui « trouvent en eux-mêmes autre chose qu’eux- mêmes » et mettent ainsi Dostoïevski sur la voie d’« univers parallèles mais réels».

À partir d’un court récit de jeunesse assez peu lu, La Logeuse [Хозяйка] (1847), c’est la question de la réminiscence qui nous intéressera, en tant qu’elle peut être l’un des avatars du spectre mémoriel. La réminiscence en effet « ne se confond pas avec le souvenir, simple rappel. Pour se déployer, elle nécessite une tension de l’être tout entier». Il nous semble justement que l’épisode de la fièvre hallucinée du personnage d’Ordynovest une de ces tensions malades, souffrantes et mystiques, auxquelles sont si souvent soumis les personnages dostoïevskiens. Par bien des aspects, cette tension rejoint celle provoquée par l’opium, dans le texte autobiographique de Thomas de Quincey, qui conditionne le surgissement de souvenirs d’enfance, le retour à la conscience d’images, sous la forme du défilement insaisissable ou de l’assemblage hétéroclite. Comme le mangeur d’opium anglais passe des voluptés (« pleasures ») aux tortures (« pains ») du laudanum, Ordynov quitte peu à peu les douceurs de la fièvre pour l’angoisse des visions oppressantes. Ainsi, le texte nous paraît être une réminiscence au sens littéraire, « l’emprunt qu’un écrivain peut faire – d’une situation, d’une scène, d’un rythme, d’une tonalité – à une œuvre du passé, sans qu’il y ait plagiat».

Les réminiscences enfiévrées d’Ordynov sont surtout celles d’un lecteur, que Katérina sa logeuse croit précisément malade à cause des livres. Son hallucination donne vie et forme à la littérature, au conte et aux vieux souvenirs de lecture, si bien que c’est de la longue histoire littéraire dont Ordynov malade semble hanté.

1. Jacques Catteau, La création littéraire chez F.M. Dostoïevski, Paris, Institut d’études slaves, 1978, p. 82.
2. Jean-Yves Laurichesse, « Avant-propos », 
L’Ombre du souvenir. Littérature et réminiscence (du Moyen Âge au XXIsiècle), Paris, Classiques-Garnier, 2012, p. 7-13, p. 7.
3. Fiodor Dostoïevski, 
La Logeuse [Хозяйка], trad. André Markowicz, Arles, Actes-Sud, 1996 [1847], p. 37-43.
4
. Dictionnaire historique thématique et technique des littératures, dir. Jacques Demougin, Paris, Librairie Larousse, 1986, t. II, p. 1353 (les auteurs soulignent).

 

 

 

 

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